Dans la terreur de la nuit obscure




Dans la terreur de la nuit obscure
Crient les bouches affamées
Le chant tourmenté d'une femme mûre
Cueillie par la faux luisante qui l'épure
Du sang asséché dans ses tuyaux camés
Résonne sur les murs de la ville enflammée

Horizon sanguin de l'aube toujours assoiffé
Féru des globules rouges des rêveurs
Perce les usines de leurs cauchemars décoiffées
Déchire les traités d'une paix paraphés
Par quelques heures de sommeil avant l'heure
De se réinjecter dans les veines du café et du beurre

Les enfants courent sous la pluie de cadavres
Vers les côtes de la mer, cet utérus de la mort
Ils n'espèrent de la paix qu'un petit havre
Piétinés par la guerre juste et ses affres
Se noient dans sa muqueuse leurs petits corps
Fiers d'être des pauvres damnés par le sort

Dans la terreur de la nuit obscure
Danse dans la tête perdue des insomniaques
Une armée d'angoisses à la peau dure
Soldats inconnus résistant à toute cure
Sur le somnambulisme veillant comme des maniaques
Guettant le sommeil comme Henri IV par Ravaillac

Séparé sur les vieux pieds d'un seul lit
L'amour, boitant, est lentement euthanasié
La fin proche dans la froideur des draps se lit
Ils couvrent de silence morose le délit
Les coussins imbibent la souffrance des coeurs extasiée
Et le fiel d'une haine enfin rassasiée

Dans la terreur de la nuit obscure
Hurle le souffle alourdi des rues
Le fleuve nourrit de cyanure 
Les artères de la ville très sûre
Les grincements de ses hautes grues
La plongent frétillante comme une morue 
Dans la terreur de la nuit obscure.

Sagi SINNO, Le jardin d'ecchymoses, I- Apologie de la pénombre.

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