Le temps des cafés



Affamés on se jetait dans une navette
Impatients de partager les ragots
Qui se racontent aux coins du Deux Magots
Autour d'un chocolat chaud chez Carette

Un petit billet froissé dans l'imagine R 
Glissée dans un sac alourdi après l'examen
Permettait enfin de se frôler à nos mains 
Sur les tables témoignant de L’imaginaire

On troquait les saints, Germain pour Michel
Avec une serviette pour seul écritoire
Blottis sous les plaques chauffantes du Départ
Pour te faire lire combien tu étais belle

Je te contais le temps où j'étais sans le sou
Traînant dans les cafés perdus au bord de mer 
Une bande d'amis rigolant de la joie amère
Que nous injectait Beyrouth par ses dessous

Les garçons nous prenaient pour un couple
En regardant deux solitudes qui se côtoient
Ils ne voyaient pas que nous étions la proie
D'humeurs qui naviguent dans des eaux troubles

Et quand la nuit près de l'école militaire
Des heures passaient sans que ne passe
Un chat esseulé ou un mot qui dépasse
Nos lèvres savouraient le délice de se taire
  
Mes rêves renaissaient à la lumière d'une bougie 
Qui rendait veufs tous les mégots
Sous le bleu de tes yeux où un radeau
Les transportaient vers le littoral de ta magie

C'était le temps où il s'arrêtait avec audace
À l'ombre des soucis et des tourments
Où nos ombres se reflétaient onctueusement 
Sur les parois ombrageuses d'une tasse.

Sagi SINNO, Le jardin d'ecchymoses, II- Éclaircies

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