Roi des rues


Assis sur le trône de la misère
Dans le froid qui vente sans cœur
Entouré de son royaume par terre
Ce domaine où se vante Rancœur

Anorak recousu sur corps amaigri
Il regarde dans un vide trop plein
Les colonnes de silhouettes aigries
Peut- être oubliera- t- il sa faim

Barbe hirsute et rides mûres
Abattu, recroquevillé et puni
Des miettes pour toute nourriture
La solitude pour seule compagnie

Avec une petite pièce pour résumer l'espoir
Un carton mouillé en guise d'écriteau
Il essuie les "Fainéant, va te faire voir!"
Qu'on lui lance aux bouches de métro

Autrefois époux et parent
Privé de la chaleur de son nid
Il regarde virevolter les passants
Passant avec eux à côté de sa vie

Une bouteille d'alcool absorbée
Dans un va- et- vient redondant
Entre sa main et l'échine courbée
Sous les regards condescendants

Fixe comme un ancien fossile
Sous le soleil brûlant de l'été
Chez l'angoisse il élit domicile
En hiver c'est chez l'anxiété

Souffrance trop visible et cruelle
Au goût de nos ego sans relief
Suffisent trois initiales impersonnelles
Pour qu'on l'abrège en... S.D.F.

Sagi SINNO, Le jardin d'ecchymoses, IV- Immobile traversée.

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