Retrouvailles



Flâneuse solitaire dans la ville fracassée
Dont le cœur bat au rythme de tes hanches 
Les résilles étroites de tes bas gercés 
Pêchent au vide des regards qu'on te balance

Quand tu passes, brûle mon être
S'éteint la passion du vieil amant
La solitude de l'étranger se voit naître
L'espace répudie le temps

Sirène urbaine aux sons des sirènes
De voitures folles qui coursent le danger
Tu attires vers tes rives sans grande peine 
S'échouant les rêves d'une vie partagée

Bise s'infiltrant dans le coeur des lettres 
Figeant les idées sur les tables des cafés
Tu réchauffes, à l'ombre glaciale d'une fenêtre,
L'optimisme, par le feu de son autodafé

Sombre pénombre sous ce nuage cérébral
Carnassière de l'espoir comme le pire des rapaces
Tu te moques des éclaircies d'une fête ou d'un bal
Ou d'une tasse de moka quand elles te chassent

Amie fidèle de tous les poètes
Poème éternel de tout automne 
Bonheur trouvé dont on abandonne la quête
Aigre douceur d'une souffrance si bonne

Quand l'été, vaincu, se dissipe, 
Et s'installe, victorieuse, la grisaille 
Le corps se délectant des affres de la grippe
Et que plus rien, à son goût, ne vaille

Les idées noires appellent leur amazone
Expédition rapide, mais lent colis
Tu arrives, majestueuse sur ton trône,
Tu m'as manqué, chère Mélancolie. 

Sagi Sinno, Le jardin d'ecchymoses, I- Apologie de la pénombre.

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