« S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! » Certes, le luxe du Sérail, accoudé sur cette petite colline qui monte de l’immeuble Ouayni vers la mosquée de Zokak el Blat, en passant par l’église nationale évangélique, et qui coiffe le centre- ville de Beyrouth, n’est pas comparable au faste du Château de Versailles.
Mais, apparemment, il est des lieux qui, même s’ils sont à plus de mille lieux et trois siècles du joyau de Louis Le Vau et d’André Le Nôtre, donneraient, pourtant, à leurs habitants, le même effet vertigineux que y aurait connu, à son époque, Marie- Antoinette. Marie- Antoinette qui a largement participé, inintentionnellement, à la grogne populaire ayant abouti à la chute de son mari, Louis XVI.
Certes, à l’instar de Hugo qui déclare, dans Les contemplations, « Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier ! » (Réponse à un acte d’accusation), il est permis d’affirmer qu’il n’y a pas, non plus, de sot métier et de métier noble. Il est indéniable que les métiers payés au Smic sont cruciaux pour la société et sont souvent ceux qui font tourner le pays. Si d’aucuns en doutaient encore, la crise du Coronavirus vient de le prouver très clairement. Ces métiers doivent certainement être mieux payés et gratifiés socialement. Mais là n'est pas la question.
Ce que préconise l’épouse du Premier ministre ne peut en aucun cas constituer une solution sérieuse au marasme économique et financier dans lequel plonge le pays et auquel l'actuel gouvernement est incapable de remédier. Demander, après des années d'investissement dans leurs études, souvent par leurs parents, à un(e) Bac +5 (comme le sont beaucoup de Libanais), à un(e) Bac+4, à une(e) Bac+3, ou autres diplômés, notamment universitaires, qui sont guettés par le chômage, la déclassification, la perte de tout pouvoir d’achat, notamment à cause de l’hyperinflation galopante, leur demander d'aller travailler comme « gardiens d'immeubles » ou comme « femmes de ménage » pour survivre, ceci est bien loin d’être un plan de carrière, une perspective d'avenir ou une solution crédible pour ces catégories de personnes.
A première vue, on se croirait devant une énième boutade de Aunt Lydia, teinte de son arrogance, de son autoritarisme et son mépris légendaires, dressant des « servantes écarlates » pour mieux servir les Commandants de Gilead, dans un épisode du feuilleton The Handmaid’s Tale. Et pourtant, on finit vite par réaliser que non, en l’occurrence, il ne s’agit pas d’une fiction, mais bien de la réalité libanaise.
Lorsque l’actuel Président français, Emmanuel Macron, a dit à un jeune qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi, ceci a causé un tollé médiatique en France et marqué, d’un point noir, le mandat de Macron. Par suite, il est a fortiori difficile de reprocher à beaucoup de Libanais de s’être sentis profondément blessés par la tirade de Madame Diab.
Par ailleurs, Madame Diab n’a pas trouvé meilleur argument que de s'attaquer à la main d'œuvre étrangère, en la diabolisant, croyant pouvoir ainsi nous pousser, paresseux Libanais que nous serions, à nous mettre enfin au travail. Soyons vigilants ! Faisons vite avant que ces hordes de méchants étrangers ne viennent manger le pain des Libanais ! Des éléments de langage dont les connotations, à peine voilées, sont dignes du discours des pires partis d'extrême- droite.
Dans la légende du roi Arthur, la Dame du Lac donne Excalibur, cette épée magique, à Arthur et en fait ainsi, pratiquement, un Roi.
Marie- Antoinette ou la Dame du Lac ? La Dame du Sérail doit choisir.
Il en va du sort de son mari.
Il en va du sort de son mari.
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